Chere et tendre amie, Vous connoissés donc si peu Votre Caroline que Vous la pouvés soupconner de n’être pas sincere en Vous donnant les éloges que Vous merités. Avés Vous pu méconnoitre ce coeur qui Vous aime tant? Je ne flatte jamais, je dis ce que je pense et ce que je sens. Il étoit donc naturel que je ne pouvois pas renfermer en moi même cette vive amitié, cette estime que j’ai pour ma Julie. Et devroit elle me faire un reproche des épanchemens de ce coeur qui sent tout cela pour elle? Mais non, elle ne le fait aussi pas et sa modestie n’est encore qu’un éloge de plus pour elle. Elle réunit encore cette qualité si rare aux autres qui suffisoient deja pour lui faire acquerir la consideration, l’amitié de tout le monde.
J’ai tremblé avec Vous pour la vie de notre cher duc. Quel malheur pour sons pays si on l’avoit perdu. Les vers de Reichard ont assés mon aprobation et l’auroient peutêtre encore plus sans ce préjugé terrible que j’ai pour cet odieux Reichard. Je crois presque que notre haine est reciproque, au moins nous sommes nous brouillés pendant mon dernier séjour à Gotha. Il y avoit cependant un tems ou nous nous conviénions beaucoup. II ne parloit que de comedie et MIle. Michaelis avoit aussi ses bonnes raisons pour ètre toujours sur cet article la. Ce qu’il a fait de mieux c’est sans doute ce poême à la Grimm lorsqu’elle parut à la redoute comme Gabriele de Vergy.
Il est decidé aprésent que mon frere ira en Amerique, il a une grande inclination pour cet employ...
J’aprens l’Italien aprésent; c’est une langue trés facile et trés agréable. Il est vrai que l’anglois est plus utile, mais il est aussi sans comparaison plus difficile, mais peutêtre je l’apprendrois encore quand je saurai l’italien; car je ne veux pas justement savoir parler cette langue, mais seulement l’entendre tout à fait. je traduis les comedies de Goldoni, et mon maitre n’a presque pas besoin de me dire quelque chose. Ce qu’il y a de plus penible c’est la prononciation, il dure quelque tems jusqu’a ce qu’on y accoutume la bouche. Mais je combats aussi ces obstacles comme un autre Hercule. Ma valeur Vous est assés connue, je ne crains ni le vrai tonnere ni celui du théatre.
Je lirai aussi les Menschenfreüden parceque Vous en faites tant l’éloge. Mais je Vous recommanderois aussi une comedie. C’est le Comte de Walltron. Un acteur de la compagnie de Seyler en est l’auteur. Elle est en verité trés jolie et trés touchante. Je l’ai lu il y a quelques jours à ma mere et mon frere et mes soeurs, et tout pleuroit. ...
... On a donné l’Ariadne ici en forme d’un concert. Point du tout de la décoration, mais seulement la musique entremelée de declamation. Un certain Monsieur Meyer faisoit le Theseus. Vous savés qu’il est difficile de me contenter dans ces roles la, mais celui ci a déclamé à merveille.