Caroline von Schelling, Band 1


An Julie von Studnitz.

à Goettingue ce 31 de Janvier 1779.

... Je ne sai pas si je Vous ai dit dans ma derniere lettre, ma chere Julie, que nous avons eu une visite du jeune Forster, mais il me semble pourtant; j’espère qu’il passera aussi par Gotha, je le souhaite au moins, c’est alors que Vous aurés une bonne idée de Goettingue en l’en entendant parler avec un si grand enthousiasme, c’est l’endroit qui lui plait le mieux de tout ce qu’il a vu encore, et lui qui à tant vu, des villes grandes et petites, qui à plu toujours, car c'est un sort qui le suivra partout, il en pourra pourtant bien juger. Il m’a fait présent de ce drap d’Otahiti. Il me l’avoit promis, au cas que j’en voulusse porter un habit, mais je croyois qu’il l’avoit deja depuis longtems oublié et je n’y pensois plus, lorsque je recus un grand paquet de ce drap de lui, avec un tres joli billet. Pour lui tenir ma promesse je m’en ai fait faire un habit de bergère comme on en voit sur la redoute, pour le porter au bal. L’étoffe est blanche et le tout est garni avec du ruban bleu et fait en verité un trés joli effet. Mais Vous auriés du voir, combien cet habit, lorsque je le portois pour la premiere fois, a èté touché et regardé, je puis pourtant dire aprésent qu’il est unique et inimitable, jusqu’àprésent au moins encore, et il le restera peutêtre, car je crois que Forster n’a plus rien de ces étoffes que ce qui lui est necessaire pour des preuves. Je voudrois bien Vous en envoyer quelques unes, si je ne croyois pas qu'il viendra lui même en revenant de Berlin et qu'alors Vous en aurés assés. Au bout du mois de Fevrier il repassera par ici pour aller s’etablir à Cassel ou il est professeur.

Mon frere ne partira qu’au mois de Mars pour l'Amerique, il sent aprésent l’importance de son entreprise et est un peu inquiet. Mais de ce coté je suis sur de lui. Si jamais un homme au monde remplira ses devoirs c’est lui. Mais les autres dangers, qu’il court, il ne les craint pas, et moi je ne puis jamais me tranquiliser la dessus. ...

Il me semble que Votre théatre tombe de plus en plus. D’avoir accepté Mr Warneke qui est d’ici et qui a joué l’Azor avec tant de vivacité et d’action, voila une grande preuve du gout de Mr Reichard. Vous perdés et nous y gagnons, il faudroit donc proprement que toute notre ville en temoigna sa reconnoissance à Votre Sage directeur. Notre théatre est peutétre mieux aprésent que le Votre. En quelques jours on representera le Westindier. Mr Schlik a aussi été ici et il a eu une aprobation unanime. Son jeu est en verité superieur. Tout le monde s’est interressé pour lui, je ne Sai pas si c’est à cause de ses talens ou de son histoire romanesque avec Ml. de Rudolph dont toutes les particularités sont connues ici. ...