...Mon pere u dessein de mener mon frere cadet au Gymnasium de Gotha, il en a uine fort bonne idée, mais pour s’y confirmer il y fera un voyage, mais dens que personne soit instruit de ses desseins, afin de n’entendre que des jugemens désinterressés de cette école. J’espere qu’il aura besoin en cette occasion de l’aprobation et des lumieres de sa fille, je Vous verrai alors et serai au comble de la joye....
Le pere du jeune prosesseur Forster (qui a èté ici pendant quinze jours) donnera sa description de la vie de l’Admiral Keppel, je crois qu’elle sera fort interressante, celle du D. Dodd qui fut pendi en Angletterre, l’est, et sait beaucoup d’honneur au coeur et aux sentimens du jeune Forster qui en cet l'auteur, elle n'est pas encore publiée, et il n’a envoyé que quelques exemplaires ici dont mon pere en a reçu un.
La semaine passée j’ai èté spectatrice d’une des plus tristes scenes. Ce fut l’enterrement d’un baron de Reck, jeune homme qui donnoit les plus grandes esperances. Il est plaint et pleuré generalement....
Parmi ceux qui suivoient le cercoeuil on distinguoit beaucoup Monsieur de Grothaus que Vous aurés vu à la cour de Gotha et qui est peutêtre encore la. N’est il pas vrai que cet homme est tout ce qu’on peut voir de beau et qu’avec l’imagination la plus romanesque on ne se le pourroit imaginer mieux? Je crois qu’il Vous interressera assés, surtout par sa singularité, pour que quelques nouvelles de lui ne Vous soyent pas désagréables. Il réunit avec la plus grande fierté les plus grandes raisons pour l’être. Il possede touts les avantages possibles du coté de l’esprit et de la figure, et des connoissances immenses, à voyagé par tout le monde, parle presque toutes les langues, n’est ce pas dommage, qu’avec tout cela il soit continuellement en danger de devenir fou? Tout y semble contribuer, premierement c’est un défaut de famille, puis la crainte de le devenir le rendra encore, pour se distraire il s’abandonne aux plus violens exercices du corps. Sa fierté insupportable et l’amour propre, qui est sa plus forte passion, seroient seules en état de lui renverser la tète. Sa compagnie n’est rien moins qu’agreable, car il ne parle que de soi. Jamais il ne pourra aimer ayant épuisé ce sentiment envers lui même. Il est né dans le pays d’Hannovre, dés sa premiere enfance il a èté envoyé en Angletterre ou il est élevé. En retournant dans sa patrie il passe par Hambourg et va visiter la maison des foux. Un de ces malheureux témoigne à sa vue une inquiétude étrange, il s’informe de lui, on lui repond que c’etoit ce vieux fou de Grothaus. C’etoit son pere qu’il avoit cru mort. — — Chere Julie, je ne dirois rien, Vous sentirés autant que moi dans ce moment. —
Il arrive chés sa mère, demande à voir son frere, en ne l’y trouvant pas. On lui dit qu’il est à faire un petit voyage. Quelques jours aprés il entend un bruit sur sa tête, il va voir ce que c’est et trouve son frere dans le même ètat que son malheureux pere. — —
Tirons le rideau sur cette horrible scene. —
Il n’etoit rien moins que riche, et n’avoit pas même assés pour faire ses études. Un certain Monsieur de Busch le fit étudier ici, il rétourna ensuite en Angleterre, ou il voyagea avec le jeune Stanhope, actuellement Lord Chestersield, duquel il a une pension de deux ou trois cens livres Sterling, et qui l’a comblé de présens, il a entre autre un service d’argent tout à fait complet dans le gout le plus moderne que mon oncle lui garde. Il entra au service du roi d’Angleterre, et demeura un an ici, mais croyant qu’on lui préferoit d’autres il demanda son congé et le regut comme Oberstlieutenant. Le même jour il se fit couper les cheveux, et partit aprés pour Berlin, ou il ne plut pas d’abord au roi, mais y joua un role important, comme volontaire et médiateur entre le roi et le prince héreditaire de Brunswic, qui s’étoient brouillés. Comme la paix se fit, il quitta le service et revint ici, pour errer ensuite unstät und flüchtig par tout le monde. Mon pere lui devoit donner des recommandations à Constantinople, mais il semble avoir changé de projet; pour celui ci et pour mon frere il a une amitié qui surpasse peutétre tout ce qu’il a jamais senti dans ce genre, le dernier fut son confident et il lui a souvent dit, que la cruelle et accablante idée de devenir fou un jour ne le quittoit jamais et que cette image désolante le poursuivoit sans cesse. — Pendant son dernier sejour nous fumes chés Mad. Less. Charlotte vient par hazard chés l’hote de celle ci, Mr. Gräzel, et Grothaus y est justement. Sans la connoitre il remarque qu’elle ressemble beaucoup a son cher Michaelis, ayant appris qui elle est, il s’entretient avec elle et lui dit entre autres: Ah si Votre pere étoit le mien, que je rendrois graces au ciel! Jamais je ne pourrois avoir plus de veneration pour mon pere que pour ce digne homme, ni plus d’amour pour mon propre frere que pour le votre. ‒ Quand elle est sortie: C’est un petit diable, dit il à Gräzel. Ah, repond celui ci, Vous devriés voir l’ainée. (N’avoués Vous pas que je suis en bon crédit auprès des gens?). Il est donc fort curieux de voir un ètre pis que le diable lui même, et veut monter ches Madame Less, pour renouveller connaissance avec moi, car j’avois quelque fois parlé et souvent dansé avec lui, mais il avoit d'affaires plus importantes en tête que celle de garder le souvenir d’une fille si peu interressante. Il est déjà sur l’escalier et se laisse à peine empecher de monter. Le lendemain je fus chés Mad. L. et en descendant je rencontre Gräzel et sa femme. Non, me dit-il, je ne vous laisse pas aller, Grothaus dine chés nous, il veut vous connoitre, et je ne puis lui faire un plus grand régal, j’enverrai chés Vous pour le faire dire. Sa femme me fit mille instances, mais je ne voulus pas rester, peutêtre pour ètre trop vaine. Je ne l’etois pas assés pour croire pouvoir remplir les grandes attentes que Mr Gräzel, comme ma soeur Louise qui avoit été presente, me racontoit fort innocemment, lui avoit fait de moi, ni assés peu pour vouloir donner un dementi à celui ci...