... J'ai eu une idée, mais malheureusement je n’ose esperer qu’elle sera réalisée. Quand Mlle. Louise Stieler m’invite pour celebrer ses noces, comment pourrois-je refuser cette invitation? Gotter ira me chercher pour faire la cour à sa promise et alors je viendrai. Qu’en dites Vous? Ne seroit-ce pas assés joli? Mais croyés Vous bien que ces beaux songes la me font rejouir comme un enfant? Cependant je ne sens que trop que la sentence: Heureux par de riantes illusions, qu’a-t-on besoin de la réalité? ne me convient point du tout et que les plus belles illusions que je me fais ne me suffisent pas. Souvent je rêve être auprés de Vous et crois gouter toutes les douceurs de l’amitié aprés une longue absence, mais tout à coup je me reveille, et que ce reveil est terrible!
Mlle. Stieler m’a annoncé son mariage dans une lettre charmante. Elle merite d’etre heureuse autant qu’on peut l’être, et un de mes plus ardens souhaits sera rempli si elle l’est. Gotter devoit avoir une femme qui unissoit tant de douceur avec tant d’esprit, comme Louise. Elle est contente de son sort, et je ne souhaite rien plus, que Gotter la rende aussi heureuse qu’elle le fera.
Il y a quelques jours que nous avons reçu pour la troisiéme fois de nouvelles d’Amerique. On ne peut ètre plus gay, plus content que mon frere, rien ne lui manque que des amis. Tout ne pense qu’a gagner de l’argent, et l’interresse regne partout. On disoit Washington mort dans les dernieres gazettes, et je voulois deja celebrer sa mort, lorsque malheureusement j’apris que je m’étois rejouie envain, et qu’il ètoit encore en bonne santé, peut n’a-t-il pas plus d’envie à mourir que moi. Je ne crois pourtant pas que la guerre pourra durer encore longtems, mais par la mort de Washington qui doit ètre un general exellent, tout auroit èté fini, et j’aurois revu le meilleur des freres...
Vous ne devineriés peutêtre pas qu’on vient aussi de celebrer chés nous le jour de naissance du grand Prince de Russie? Il ne nous reste que les assemblées et nos concerts exellens qui sont sans doute un des plus grands avantages de Goettingue. On ne peut aussi voir rien de plus amusant que nos assemblées. C’est un melange de toutes les nations possibles. Les Suedois se distinguent surtout par leurs habillements, qui cependant ne me plaisent pas beaucoup. On y trouve même des Ameriquains comme par exemple le fils du General Gage qui est né en Amerique. La dernière fois elle fut si remplie qu’on ne pouvoit se remuer....
J’ai lu les Menschenfreuden et en suis content autant qu’on peut l’être....